TĂ©moignage d’acteurs

Témoignage de Ronan LE FAOU, conchyliculteur à La Forêt Fouesnant et représentant de la profession conchylicole au sein de la Commission Locale de l’Eau

R. Le Faou

► Découvrez le métier de conchyliculteur au travers du témoignage de Ronan Le Faou.

Vous êtes membre de la Commission Locale de l’Eau. Pourriez-vous nous dire pourquoi la qualité des eaux littorales est importante pour la profession conchylicole ?

Pour l’élevage et la production de coquillages nous avons besoin de 2 choses essentielles : l’accès à l’espace littoral par l’obtention de concessions et la garantie d’une qualité d’eau compatible avec l’activité conchylicole.

Notre profession est soumise à des normes sanitaires exigeantes pour garantir la sécurité sanitaire des aliments et donc la santé des consommateurs. Ces normes évoluent régulièrement vers davantage de rigueur et de sévérité, ce qui se traduit, à qualité d’eau constante, par une augmentation régulière des périodes de  fermeture sanitaire.

L’amélioration de la qualité de l’eau est un donc enjeu majeur pour notre profession. C’est la qualité de notre production, notre capacité à commercialiser les coquillages et in fine la survie de nos entreprises qui est en jeu. Outre l’aspect économique lié à la conchyliculture, cela représente également un enjeu d’image pour le territoire et notamment pour le tourisme et les activités  de pêche à pied et de baignade associées.

Le classement sanitaire des zones conchylicoles est le résultat des analyses mensuelles réalisées toute l’année sur les coquillages sur une période glissante de 3 ans. De par la capacité des coquillages à concentrer les micro-organismes, ce classement est bien plus révélateur des éventuels problèmes de fond, notamment sur les réseaux d’eaux usées, que les seules analyses des eaux de baignade. Le suivi des eaux de baignade est en effet réalisé en période estivale, entre juin et septembre, et ne permet pas de détecter les contaminations issues des fortes pluies hivernales.

Pourriez-vous nous expliquer concrètement quelles sont les conséquences d’un déclassement ou d’une fermeture sanitaire ?

En cas d’alerte sanitaire (liée à un pic de pollution mesuré ou à un dysfonctionnement connu), la zone concernée est fermée par arrêté préfectoral (interdiction de pêche professionnelle et récréative), avec interruption de commercialisation et rappel des lots suspects déjà commercialisés. En cas de rappel de la marchandise, c’est toute la chaîne de commercialisation qui est impactée sans compter l’image de marque de l’entreprise, et, encore une fois, celle du territoire concerné.

Tous les ans le classement sanitaires des zones conchylicoles est réexaminé à la lumière des résultats de l’année précédente afin d’en permettre l’évolution dans un sens comme dans l’autre.  Ainsi, il y a quelques années, la Baie de la Forêt a été rétrogradée de A en B pour les moules. Alors que le classement en A permet une commercialisation directe, le classement en B impose une purification des coquillages avant commercialisation. Cela implique pour les professionnels des investissements lourds pour s’équiper en bassin de purification ou une réorientation vers un marché moins rémunérateur, le client (intermédiaire) prenant en charge les coûts de purification. L’impact de la qualité des eaux sur la rentabilité voire sur la viabilité d’une entreprise est donc très important.

Quelles sont vos attentes en tant que professionnels ?

Nous souhaitons une plus grande transparence des collectivités et des administrations sur toutes ces questions de qualité d’eau et de classements sanitaires, notamment au niveau des projets susceptibles de nous impacter. Par exemple, sur Fouesnant, si l’information sur des incidents ponctuels mise en place ces dernières années fonctionne plutôt bien, on a pu déplorer, à une certaine époque, des dysfonctionnements sur les réseaux à l’origine d’alertes bactériologiques relativement fréquentes. Suite à la réalisation de travaux importants sur les réseaux d’eaux usées du Cap-Coz, on a constaté la quasi disparition de toute alerte bactériologique sur la zone de Penfoulic. La perspective de voir se réaliser ces travaux aurait répondu à nos inquiétudes d’alors et nous aurait donné satisfaction.

Pour l’avenir, nous sommes également très inquiets vis-à vis des Norovirus. Ce virus d’origine humaine, qui provoque des gastro-entérites, provient des eaux usées qui se déversent accidentellement dans le milieu naturel, ou des rejets de stations d’épuration non équipées d’une unité de filtration membranaire. En cas de Toxi-Infections Alimentaires Collectives (TIAC), la présence de Norovirus peut entrainer une fermeture de la zone de production pour une durée minimale de 28 jours.

Actuellement nous sommes régulièrement contraints de fermer en période estivale à cause des blooms de phytoplancton toxique (Dynophysis). Si la réglementation venait à se durcir vis-à-vis des Norovirus et si les fermetures venaient à se généraliser en période hivernale, la situation pourrait devenir catastrophique pour nos entreprises.

Le durcissement inexorable de la réglementation qui protège le consommateur nous impose d’être toujours plus vigilant et exigeant vis-à-vis de la qualité des eaux littorales dont notre activité est et sera de plus en plus un indicateur d’excellence.

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